LAURÉAT NATIONAL 2020
CONCOURS ATELIERS D’ART DE FRANCE – CATÉGORIE création
Quand Mathieu Gillet opère sur le métal avec des outils de dinanderie, il le fait à sa manière. Quitte à recourir aux méthodes japonaises, à des techniques de bijouterie ou à faire dialoguer le métal avec d’autres matériaux. Après une formation en gravure ornementale à l’école Boulle, il a découvert à Tokyo une autre approche du métal. « En France, les dinandiers travaillent par tradition sur une seule feuille de métal.
Au Japon, le dinandier peut produire des sphères ou des sculptures, en repoussant le métal, en le chauffant localement ou en rajoutant de la matière », explique ce jeune homme de 29 ans qui a aussi travaillé comme dessinateur de bijoux. Il a imaginé à Monteux près de Carpentras un lieu collaboratif, l’Atelier GM, qui héberge une communauté de sculpteurs sur pierre. Ils y sondent ensemble la question de l’habitat ou du patrimoine et de la préservation des savoir-faire. En parallèle de ses sculptures, Mathieu Gillet réalise du mobilier. Son séjour au Japon l’a sensibilisé au principe du kintsugi (les défauts donnent de la valeur à la pièce). À la perfection du geste, il préfère aujourd’hui la charge émotionnelle : moins d’ornementation, plus de sensibilité, tel est son credo dans la mise en forme de meubles.
C’est ainsi que la table Physio se réduit à une ligne pure, pleinement organique. Elle ne jure pas par la perfection mais par les traces de vie absorbées par la matière. Mathieu Gillet a récupéré le plateau en noyer d’une table au piétement abîmé. Soucieux de lui donne une deuxième vie, il a réalisé un piétement de métal avec les techniques de la dinanderie. « J’ai déjà associé le métal à de la résine et à du béton, mais le bois est idéal ». Le plateau en noyer a été poncé à la filasse jusqu’à se tanner comme un cuir, tandis que le cuivre martelé de la structure, aux soudures apparentes, habille la pièce à la façon d’un vêtement de haute couture. Certaines parties du métal sont nues, sans patine, pour que l’utilisateur y dépose ses propres marques de main. « Cela développe un lien entre l’homme et l’objet, impose un sentiment de sérénité, apporte une réponse à l’obsolescence programmée ». En guise de finition, le cuivre, souple, a été retreint sur le plateau pour le sertir comme un bijou. Jusqu’à ce que bois et métal s’interpénètrent. Mariant simplicité et noblesse, Physio est prête à défier le temps.